La nouvelle Ségolène ?

L’année 2007 s’est terminée avec la tournée médiatique de Ségolène Royal, pour la promotion de son livre. Elle est apparue plus à l’aise et plus incisive que pendant la campagne présidentielle.
Alors beaucoup parlent de « la nouvelle Ségolène ». D’ailleurs, Charlie Hebdo a récemment fait cette Une que je trouve hilarante : Ségolène en mante religieuse, "conne", "chieuse" et "casse-couilles" ! Cette caricature ironique est tellement outrancière, qu’elle montre le "n’importe-quoi" de cette diabolisation (ou plutôt : bécassination).

Moi je ne crois pas à "la nouvelle" Ségolène. Car elle me rappelle beaucoup "l’ancienne Ségolène", celle d’avant 2006.

La preuve : cet extrait de l'émission "l'Heure de vérité" (Antenne 2) où François-Henri de Virieu, Arlette Chabot et Albert du Roy recevaient Ségolène Royal, ministre de l'Environnement, en 1992 (durée : 11 minutes). La "Bécassine" de 2007 était alors considérée comme une "potiche" (comme quoi, les préjugés évoluent…). Drôle de potiche, qui tient un discours cohérent, pertinent et surtout… toujours d’actualité, sur les besoins de la Gauche pour rebondir : 

1) Inscrire la politique dans la durée, pour que « les valeurs collectives prennent le dessus par rapport à la loi du marché »

2) Reconstruire la Gauche autour d'idées communes et modernes :
- Tenir compte de « l’effondrement du communisme à l’est », pour « retrouver des idées, tout en étant fidèle aux valeurs de la Gauche (partage et respect des équilibres) »
- « Je me sens plus proche des écologistes que des communistes, [mais] tout le monde est le bienvenu dans la reconstruction du progrès ».
- « Protéger la faune et la flore, ça n’a aucun intérêt, si on doit construire des campagnes vides. […] L’environnement c’est aussi un humanisme […], c’est sur ces valeurs là qu’il faut se mettre d’accord et pas en pinaillant sur des kilomètres d’autoroutes
- « Comment produire autrement, comment veiller aux hommes par rapport aux paysages » ?

3) Moderniser les pratiques politiques :
- « Ce n’est pas en se promenant avec des circonscriptions sous le bras qu’on va conclure des alliances […]. Il y a des ouvertures vers des personnalités, mais pas vers de véritables forces [politiques] et pas sur la base de véritables programmes. »
- « La politique ce n’est pas seulement être candidat à des élections », « [le PS] est prisonnier des échéances électorales », « la politique c’est retrouver des lieux de débat, c’est retrouver des lieux de convivialité, c’est réfléchir sur les valeurs qui nous animent »
L’extrait se termine sur une « colère saine », quand Ségolène Royal s’exprime sur la condition des femmes : « qu’est-ce que c’est que cette idée, que les femmes qui sont enceintes n’ont plus le droit de travailler ou de cogiter ? »

 Remarque : le "Club Témoin" était un comité de soutien à Jacques Delors, une sorte de "Désirs d'Avenir" des années 90…

A ceux qui répétaient, en 2006 et 2007, que Ségolène Royal n’a pas de ligne politique cohérente, je dis : non seulement elle a une ligne politique, mais en plus ça fait 15 ans que vous auriez pu vous en rendre compte ! On pourrait tout aussi bien visualiser d’anciennes interviews de Nicolas Sarkozy et on aboutirait à la même conclusion : ces personnalités visionnaires sont restés fidèles à leurs idées. Les prétendus "potiche" et "roquet" insignifiants ont mis plus de quinze ans à être reconnus comme des responsables politiques de premier plan.