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Désirs d'Avenir dans l'Aisne
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24 mars 2008

Euthanasie : modifier la loi Leonetti ?

Loi_leonetti_plantu

L'affaire « Chantal Sébire » a relancé le débat sur l'euthanasie. Déjà, l'affaire Vincent Humbert, qui avait ému toute la France, fut à l'origine de la loi Léonetti, qui a notamment mis fin à l'acharnement thérapeutique.

Alors la télévision fait la part belle à ceux qui pensent que cette loi est insuffisante et qu'il faut aller « plus loin ». En bon progressiste, j'en étais convaincu... jusqu'à ce que j'écoute deux émissions à la radio : « du grain à moudre » (France Culture) et « l'invité d'Inter » (France Inter).

Et voilà ce que j'ai appris...


Quelles sont les formes de l'euthanasie ?

- l'euthanasie passive (le refus ou l'arrêt d'un traitement nécessaire au maintien de la vie) et l'euthanasie indirecte (l'administration d'antalgiques dont la conséquence seconde et non recherchée est la mort). Elles sont autorisées en France, grâce à la loi Léonetti.      

- l'aide au suicide, où le patient accomplit lui-même l'acte mortel, guidé par un tiers qui lui a auparavant fourni les renseignements et/ou les moyens nécessaires pour se donner la mort. Elle est autorisée en Suisse.

Question : parle-t-on de suicide médicalement assisté ou de suicide juridiquement assisté ?

On peut dénoncer le principe du suicide médicalement assisté, car le médecin a prêté le serment d'Hippocrate, dans lequel il promet d'exercer son art pour guérir et soulager, mais pas pour tuer. Pourtant, ces mêmes médecins pratiquent déjà l'avortement....

On peut aussi avoir des réserves sur le principe du suicide juridiquement assisté, au nom du risque de traumatisme psychologique du bénévole qui se « dévouera ».

- l'euthanasie active, c'est-à-dire l'administration délibérée de substances létales dans l'intention de provoquer la mort, à la demande du malade qui désire mourir, ou sans son consentement, sur décision d'un proche ou du corps médical. Elle est autorisée en Belgique et aux Pays-Bas.         


La loi Leonetti est-elle suffisante ?

- Arguments du "NON" :

La loi Leonetti est hypocrite car pour soulager les souffrances, elle autorise l'utilisation de traitements pouvant avoir pour effet secondaire d'abréger la vie.

- Arguments du "OUI" :

Un "droit au suicide assisté" ne saurait se substituer à la liberté de se suicider, et la société ne peut pas confier cette mission aux médecins.

D'autre part, une partie importante de nos concitoyens et des professionnels de santé, connaissent mal cette loi. Sans parler de la « mauvaise volonté » ou du manque de moyens pour l'appliquer (seuls 15 % des français ont accès aux soins palliatifs !).

Il faut donc faire en sorte que la loi actuelle soit réellement appliquée, avant de l'évaluer et éventuellement, de la modifier... En attendant, on peut compter sur l'indulgence de la justice, quand ponctuellement, un cas d'euthanasie « illégale » est révélée.


Faut-il faire une loi pour une minorité ayant une fin de vie difficile ?

- Arguments du "NON" :

On n'est pas censé légiférer pour satisfaire des situations particulières. Et on ne résout pas toutes les questions humaines par la loi.

- Arguments du "OUI" :

Cette loi jouerait un rôle « d'assurance contre la mauvaise mort » (assumée par toute une communauté, pour ne profiter qu'à quelques uns).

D'autre part, avec l'allongement de la durée de la vie, des souffrances nouvelles apparaissent pour une « minorité » qui ne cessera de grandir.

Enfin, une loi permettrait d'encadrer des euthanasies actuellement illégales.


A suivre ? 


En savoir plus :

1) Législation et pratiques de l'euthanasie à l'étranger (tempsreel.nouvelobs.com)

2) Un texte commun très intéressant :

Un observatoire des fins de vie, par Bernard Devalois et Gilles Antonowicz

LE MONDE | 21.03.08 | 15h29

Le rapprochement de nos deux signatures au bas d'un texte commun était a priori hautement improbable. En effet, nous avons, sur les questions de fin de vie, des conceptions très opposées. L'un est médecin dans une unité de soins palliatifs et ancien président de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). Il est opposé à une légalisation de l'euthanasie et-ou à l'instauration d'un droit au suicide médicalement assisté. L'autre est l'avocat de Chantal Sébire et le vice-président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). Cette association milite en faveur de la légalisation d'une aide active à mourir, sous contrôle médical, à la demande expresse de patients "en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable".

Nous avons notamment une analyse très opposée concernant la situation de Mme Sébire. L'un dénonce l'hypocrisie du code de la santé publique et considère, au nom du respect de la dignité du malade, qu'elle aurait dû pouvoir bénéficier de l'aide du médecin acceptant de mettre définitivement fin à ses souffrances selon un protocole autre que celui dit de la "sédation terminale". L'autre soutient que, comme pour des milliers de situations toutes aussi tragiques, il convient de déployer les moyens nécessaires au contrôle de la douleur physique, d'entendre et d'accompagner la souffrance psychologique de la patiente et de ses proches, pour leur apporter une réponse adaptée. Pour lui, un "droit au suicide assisté" ne saurait se substituer à la liberté de se suicider, et la société ne peut pas confier cette mission aux médecins.

Néanmoins, nous pensons tous les deux que la loi d'avril 2005 - dite loi Leonetti - est une avancée considérable en faveur du respect des droits des patients. Elle met la question du sens des actes médicaux au coeur de son dispositif. Elle reconnaît à chaque patient le droit de refuser toute forme de traitement. Elle permet aux médecins de ne pas prolonger sans raison la vie artificielle de certains patients en coma végétatif. Pour soulager les souffrances, elle autorise l'utilisation de traitements pouvant avoir pour effet secondaire d'abréger la vie.

Le problème majeur que pose aujourd'hui cette loi est qu'elle est très mal connue par nos concitoyens et même par une partie importante des professionnels de santé. Combien de personnes à ce jour ont désigné une personne de confiance ? Combien de personnes ont rédigé des directives anticipées permettant, en cas d'inconscience, de faire connaître leurs souhaits en matière de limitation ou d'arrêt des traitements ?

Combien de patients se heurtent aujourd'hui au refus de certains médecins d'appliquer la loi ? Combien de familles, de proches, ne peuvent obtenir une délibération collégiale pour examiner la question d'une éventuelle situation d'obstination déraisonnable pour un patient en état végétatif chronique ? Combien de patients cancéreux acquiescent à une énième ligne de chimiothérapie "palliative" par crainte d'un abandon en cas de refus ?

Malgré nos opinions fort divergentes sur la nécessité de faire ou non évoluer la loi, nous nous accordons sur un point fondamental : la nécessité - urgente - d'une évaluation rigoureuse des conditions dans lesquelles se déroulent les fins de vie en France. A quelques exceptions près, comme celle d'Edouard Ferrand( anesthésiste-réanimateur à l'hôpital Henri-Mondor, à Créteil), les études en ce domaine sont trop rares pour ne pas laisser la place à des convictions assénées avec passion plutôt qu'à l'analyse rationnelle de la réalité.

Nous insistons donc sur la nécessité de mettre en place un observatoire national des pratiques médicales en fin de vie. Sa mission pourrait être de faire connaître auprès des professionnels et du grand public la loi et les droits des patients, mais aussi de promouvoir et soutenir des recherches pluridisciplinaires sur ces sujets. Il pourrait être un outil de médiation et de recours pour tous ceux qui se sentent éventuellement concernés par une situation d'obstination déraisonnable, voire, si nécessaire, exercer des missions d'expertise de manière à éviter tout risque de judiciarisation de ces questions.

Si la loi venait à être modifiée (ce que l'un souhaite et l'autre pas), cet observatoire pourrait éventuellement préfigurer la haute autorité qui, en Belgique comme aux Pays-Bas, contrôle et évalue les actes d'euthanasie. Il permettrait de recueillir les paramètres nécessaires à une véritable politique d'évaluation des pratiques médicales en fin de vie afin d'offrir des outils validés pour alimenter la réflexion des citoyens et de leurs représentants. Seule une évaluation précise de la situation nous semble pouvoir permettre d'éclairer le nécessaire débat citoyen et politique qui s'impose à nous.

Bernard Devalois est médecin à l'unité de soins palliatifs de Puteaux (Hauts-de-Seine).

Gilles Antonowicz est avocat, vice-président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité.

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